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Cesar Marchand


 

Ne en 1897

Embauche chez Voisin en 1918, comme essayeur.

Il est remarque par Andre Lefevre (adjoint de Gabriel Voisin) qui lui confiera les voitures des Records.

 

CESAR MARCHAND UN GRAND PERE RECORDMAN Patrick LESUEUR. Si sa spécialité plus austère de pilote et de préparateur de machines de record ne lui a peut-être pas procuré le même prestige international qu’un compétiteur de Grand Prix, il est incontestable que le nom de César Marchand est néanmoins intimement lié à la grande saga de l’automobile. Pour l’auteur de ces lignes il fut aussi et peut-être surtout un grand-père attentionné.

TROP PETIOT. Il n’empêche que mon grand regret est de n’avoir pas connu suffisamment longtemps ce grand-père autrefois auréolé de gloire afin de partager avec lui ses passionnants souvenirs, le jeune adolescent que j’étais au moment de sa disparition ne m’a pas permis de le questionner avec l’insistance nécessaire sur son passé sportif. Cette frustration s’est donc tout naturellement reportée durant une longue période sur son épouse Charlotte (ma grand-mère donc) qui lui a survécut de nombreuses années. Certes si cette dernière une pragmatique et solide champenoise conservait une mémoire vivace, elle était surtout basée sur des anecdotes (souvent très éclairantes) en marge de la « grande histoire » Sa compétence technique et son souvenir sur les détails strictement automobile restaient limitée, mais en tant qu’épouse admirative elle avait garder pieusement nombres d’archives, coupures de presse et photographies de cette glorieuse époque. Ces mêmes documents que j’ai pu par la suite récupérer m’ont permis une approche nettement plus complète et précise de la carrière de mon grand-père. Je me souviens également clairement de la suite d’articles signés de l’intarissable Serge Pozzoli publiés entre le mois de mars et juin 1970 dans le fameux magazine alors une référence absolue « L’album du fanatique de l’automobile » sur les Voisin à quatre, huit et douze cylindres des records à Montlhéry. J’avoue avoir ressenti alors une certaine fierté en voyant César et Gabriel Voisin posant côte à côte auprès de ces machines aux caisses superbement profilées.

ISSY LES MOULINEAUX TERRE D’EXPLOITS César Auguste Marchand voit le jour le 25 juillet 1897 à Boulogne Billancourt. Sa condition familiale extrêmement modeste ne lui autorise aucune étude particulière, mais il semble que l’adolescent montre rapidement un certain engouement en faveur de l’univers mécanique. Il n’a que douze ans lorsqu’il intègre la maison Sizaire et Naudin pour y entreprendre son apprentissage comme mécanicien-ajusteur, une formation de base qui lui sera très opportune en faveur de sa future carrière. César et son frère Lucien partage une passion commune en faveur de cet univers automobile naissant, nos deux hommes se mettent alors à rêver d’une aventure dans ce domaine, mais la encore son statut social populaire oblige le jeune homme à faire ses preuves. Il devient essayeur mécanicien chez le fabriquant de cycle cars Mase établi à St Etienne, et participe même à la course de côte de Planfoy aux commandes d’un engin de la marque fort rustique. Mais la Grande Guerre vient brutalement mettre un terme à cette passionnante activité, mobilisé au sein de la classe 17 César Marchand revient à la vie civile superficiellement gazé, mais sain et sauf et reprend son activité de mécanicien ajusteur-pilote- essayeur cette fois en banlieue parisienne à Issy les Moulineaux. C’est en effet dans la Société des Aéroplanes Gabriel Voisin maintenant définitivement passé à la construction automobile que César se voit confier la mission de conduire durant au moins 100 km des châssis non carrossés. Ceux-ci sont lestés de gueuses afin de reproduire le poids de la future carrosserie avant la livraison définitive. Le parcours de ces tests qui dure parfois 10 heures par jour par tous les temps emmène notre essayeur en direction de Saclay par la route de Meudon. La vitesse de 130 km/h est souvent atteinte ou dépassée, car la compétition est rude avec deux autres employés de la maison Voisin, Leroy de Présalé et Marcel Combettes, futurs équipiers de records de César. Le point de chute reste immuable, soit les hauteurs du Christ de Saclay, mais surtout le petit restaurant « Chez Mimi » où évidemment le dernier arrivé paye l’adition ! Conscient de ses qualités de metteur au point Gabriel Voisin et son ingénieur fétiche André Lefèvre (prochain et principal géniteur de la traction avant Citroën) propose dés le mois de septembre 1925 à Marchand de piloter les machines destinées à battre des records du monde d’endurance sur le tout nouvel autodrome de Montlhéry. En effet Gabriel Voisin insatisfait du règlement des grand prix de vitesse décide désormais de consacrer toutes ses compétences aux records de distance internationaux et mondiaux toutes catégories. L’auto sélectionnée pour cette première tentative est un Type C5 équipée d’un quatre cylindres évidemment sans soupapes selon l’habitude de la maison de 3,7 litres de cylindrée délivrant environ 120 ch. Bien entendu compte tenu de la mission l’engin est doté d’une carrosserie spéciale à pointe arrière profilée. César motivé d’un solide pragmatisme populaire pressent d’instinct la chance exceptionnelle qui lui est offerte de se faire remarquer et d’affirmer une ouverture professionnelle, il ne ménage nullement ses efforts dans ce but. Il s’impose bien vite comme pilote et chef d’équipe incontournable de la marque automobile d’Issy les Moulineaux au patronyme contradictoire de Société des Aéroplanes Gabriel Voisin, car son créateur a toujours négligé d’en changer la raison sociale. Ces tentatives et leurs succès sont également l’occasion pour les fabricants d’huile de belles retombées publicitaires. C’est ainsi que Jean Dintilhac administrateur de la société Yacco va définitivement s’associée à ces événements sportifs d’où le slogan encore utilisé de nos jours par l’entreprise de lubrifiants « L’huile des records du monde »

LE TRAUMATISME. Entre novembre 1925 et septembre 1930 la firme Voisin grâce à des voitures spécialement préparées pour ces rondes folles sur l’anneau de ciment de Montlhéry, animées de mécanique sans soupapes à 4, 8, et 12 cylindres accumule un fabuleux palmarès totalisant pas moins de 57 records du monde. Dont les records de l’heure à 206,558 et des 24 heures à 182,660 (Voisin 8 cylindres du 12 avril 1927 au 12 janvier 1928) et celui des 50 000 km sans vidange du 7 au 25 septembre 1930 à l’aide d’un coach Type C18 Dyane à empattement cours dont le long capot abrite un 12 cylindres en V de 4,8 litres de cylindrée. Le modèle dévoilée lors du Salon de 1929 perd ici de sa superbe pour s’adapter à la piste, les ailes sont supprimées, les 12 tubes d’échappement de forme quadrangulaire jaillissent sans finesses des flancs de capot et la majestueuse malle arrière en cuir est remplacée par deux réservoir de carburant afin d’augmenter l’autonomie. La publicité générée par ses records est considérable et César marchand commence à acquérir une stature de « vedette » au sein du microcosme automobile. Témoin de cette aura une publicité de l’époque déclame que mon grand-père utilisait chaque jour la « Gomina Argentina » (ce que ma grand-mère Charlotte à toujours farouchement niée) par ailleurs la maison Yacco n’hésite pas à lui remettre en récompense de ses victoires une somme coquette en 1928 de 20 000 F (ce que la même Charlotte n’a jamais démentie !) Nous sommes le 25 juillet 1928 César Marchand fête ses 31 ans autour d’un bon repas amoureusement préparé par son épouse. Mais ce dernier avoue un peu gêné qu’il doit rejoindre son équipe sur la piste de Montlhéry tôt dans l’après-midi afin de prendre les commandes de la Voisin 8 cylindres. Il s’agit de s’attaquer aux records des 50 km détenus par Eldridge et celui des 50 miles propriété de Breton. Compte tenu du caractère un peu spécial de cette journée Charlotte insiste pour l’accompagner en compagnie de sa fille Huguette (ma maman donc !) alors âgée de neuf ans, César est contre le principe d’une manière générale mais à journée exceptionnelle décision inhabituelle. Mon Grand-père est maintenant calé dans le cockpit exigu de la Voisin, les temps sont excellent on dénote même une certaine avance sur les prévisions. Devant le petit pare-brise en saute-vent au sommet arrondi les plaques de ciment de l’autodrome défilent d’une impressionnante façon en résonnant par de sinistres bruits parasites dans la carrosserie légère de l’auto, la vitesse de 230 km/h y est pour beaucoup. Maintenir la voiture en ligne à l’aide de l’énorme volant en défiant la force centrifuge des virages relevés qui vous écrase sur votre siège demeure un constant et épuisant défi physique. Pour une raison qui n’a jamais vraiment pu être élucidée un pneumatique déchappe brusquement. La Voisin en haut de l’anneau à l’entrée d’une courbe heurte la balustrade en bois qui à cette époque surplombe la piste de vitesse, l’arrache sur plus de cinquante mètres, puis la voiture quitte la piste pour aller s’écrasée une dizaine de mètres en contre bas sur le circuit routier. Inutile de préciser que Charlotte se remémorait parfaitement cinquante années plus tard cette terrible journée, André Lefebvre présent fait transférer au plus vite César à l’hôpital de Vaugirard où officie un des ses cousins le professeur Jubé l’inventeur de la transfusion sanguine. L’infirmière accueil ma grand-mère d’une phrase rassurante toute empreinte de psychologie « il est fichu on lui voit le cœur ! » Cette délicate constatation vient d’un poumon perforé, auquel il faut ajouter trois cotes brisées une fracture de la clavicule gauche et une profonde plaie à l’épaule. Mais César d’une solide constitution se remet rapidement, pour preuve les pilotes André Morel, Le Roy de Présalé, Serge de Kiriloff et bien sur César marchand s’élance le lundi 16 septembre 1929 au volant de l’imposante Voisin 12 cylindres afin de battre entre autres records celui des 4000 miles, des 30 000 Kms et des 20 000 miles. La machine est ensuite exposée au centre du stand Voisin aux regards émerveillés des visiteurs du salon d’octobre 1929.

ANDRE ET CESAR LE DUO GAGNANT. Malgré cette reprise intense de ses activités de pilote, ma grand-mère me confia que l’accident de l’été 1928 avait laissé quelques traces autres que physique, et que « l’homme des records » se sentait moins intrépide, plus timide sur la piste. Par contre si il y a un domaine qui ne s’amoindri nullement c’est bien son aura dans le monde de l’automobile, une renommée que le mondain Gabriel Voisin n’hésite pas à mettre en avant auprès de sa très chic et fortunée clientèle. Possédé une Voisin est en cette fin des années vingt un choix décalé tant les données stylistique et technique du patron demeurent atypiques. Mais quoi de plus convaincant que de se faire présenté une voiture par le « pistard » haut de gamme de la maison qu’est devenu César marchand. Ce dernier endosse donc le costume de voyageur de commerce de luxe, et se rend en Suisse, au Maroc, en Pologne, en Italie ou plus simplement sur les rives de la Côte d’Azur afin de convaincre les acheteurs potentiels. Mais la gestion financière de « Monsieur Gabriel » des usines d’Issy les Moulineaux n’est pas un exemple de rigueur, à la fin de l’exercice 1930 la marque Voisin est en grande difficulté. En plus du licenciement de nombreux ouvriers qualifiés, l’ingénieur maison André Lefèvre quitte l’entreprise, après un passage éclair chez Renault, il rejoint le bureau d’études Citroën, quand à César c’est au début de l’année 1931 qu’il se sépare de son mentor. Par prudence pour l’avenir et afin de faire vivre la famille il investi dans un atelier automobile baptisé « Garage Moderne » situé rue Jules Gévelot à Issy les Moulineaux, qui curieusement porte le panonceau du constructeur alsacien Mathis. Les affaires sont plutôt prospère le « Garage Moderne » prend en charge la flotte des véhicules utilitaires de la firme Yacco, et une large clientèle se targue de faire régler leur voiture de tourisme par le « sorcier » de Montlhéry. Mais son ambition est tout autre, désormais équipé de son propre local, il ambitionne de se lancer dans la préparation spécifique de machines de records selon ses méthodes. De son côte le dynamique Jean Dintilhac animateur de la société des huiles Yacco reste en permanence à la recherche de nouvelles opérations publicitaires d’envergures. Il semble que ce soit André Lefèvre qui le premier pensa à présenter André Citroën à nos deux compères sachant l’homme amateur de défi et de renommé. Ce dernier est d’abord assez réticent sur le concept de records, mais les bonnes nouvelles en provenance de Montlhéry vont rapidement le convaincre définitivement du bien fondé de l’aventure. En attendant vu la tiédeur momentanée de maître de Javel c’est la société Yacco qui se charge d’acquérir un châssis de série de la Citroën C6 F équipée d’un 6 cylindres en ligne aux soupapes latérales. Bien entendu toute la préparation technique est effectué par César au sein de son nouvel atelier. L’auto abandonne ses freins avant, et perçoit une belle carrosserie légère et profilée en aluminium, et adopte le patronyme bientôt célèbre de Rosalie, dont personne ne peut se souvenir d’où il provient exactement. Le 22 octobre 1931 Rosalie I s’élance sur l’anneau de Montlhéry, et à la date de la fin de l’aventure, le 1er novembre, 14 records internationaux de la classe D (de 2 000 à 3 000 cm3) sont engrangés. La Rosalie II (bâtie sur un châssis de C6 G) qui tourne du 5 mars au 28 avril 1932 apporte à la France 50 records du monde et 81 records internationaux (classeD) dont ceux des 130 000 Kms en 54 jours. Cette fois André Citroën est enthousiaste et fait même le déplacement à l’autodrome afin de soutenir Marchand et ses hommes.

CASQUETTE ET CHAPEAU MELON. Selon Charlotte malgré quelques frictions sur l’approche de l’organisation des records, l’industriel de Javel faisant toujours preuve d’une impatience qui agacait le mécanicien d’Issy les Moulineaux, les rapports entre César et André Citroën ont toujours été cordiaux, les deux hommes se vouaient une estime et une admiration mutuelle. Il est pourtant difficile d’imaginer des personnalités plus différentes, et les photographies qui accompagnent cet article mettent ce constat en parfaite évidence. César titulaire du seul Certificat d’études son éternelle casquette vissée sur la tête, évoque le Jean Gabin des films de Marcel Carné, une cigarette collée à la lèvre, souvent engoncé dans son costume qui l’oblige à une posture typique, les bras légèrement décollés du reste du corps, une silhouette tout à fait français moyen, tendance front populaire. Mis a part son aventure automobile qui l’a propulsé au devant de l’actualité, César Marchand demeure un homme simple, menant une vie familiale paisible d’un classicisme absolu. Une ambiance tout autre émane de la silhouette élégante d’André Citroën. Cet ancien polytechnicien qui raffole des soirées mondaines du tout Paris, fréquente les salles de jeux de Deauville (César pratique également les cartes, mais plutôt la belote) ou s’adonne au ski sur les pistes de la très chic station de St Moritz en compagnie de la famille de Charles Chaplin. César pour qui le fait de tenir en équilibre sur deux planches de bois sur de la neige relève d’un exercice tout à fait incongrue, cultive plutôt avec son frère Lucien la pêche de rivière. Une habitude qui a longtemps perdurée car j’ai encore dans les narines l’odeur particulière de ces imposantes plaques de chènevis en forme de tablette de chocolat qu’il jetait généreusement à l’eau afin d’attirer carpes et autres brèmes. André Citroën soigne son allure et s’habille sur mesure selon les critères de la mode masculine des années trente, soit une tendance au plus près des tailleurs d’obédience britannique, et comble du raffinement du chef d’entreprise accomplie porte avec une aisance incomparable le chapeau melon. Ma grand-mère Charlotte aimait a ce souvenir avec émotion de cette belle soirée de l‘hiver 1933 ou l’ex « grouillot » de chez Sizaire et Naudin se voit officiellement consacré par une des plus haute décoration de la République. En effet les autorités concernées lui accordent sous le haut parrainage de André Citroën le ruban de la Légion d’Honneur. Des documents ont survécu sur cette émouvante soirée, César selon son habitude dans ce genre de dîner officiel a l’air un peu gêné, comme si tout cela était destiné à un autre. Charlotte en robe de circonstance coiffée d’un charmant couvre-chef bien dans l’air du temps, est assise au côté de Gabriel Voisin (eh oui l’ancien employeur était de la fête !) celui-ci a l’air un peu absent, il faut dire que cette année 1933 n’est pas une période des plus propice pour l’ancien avionneur. Cette même saison 1933 est par contre une période faste et donc très chargée pour César Marchand et son équipe. Du 26 avril au 24 mai la Rosalie V (châssis 6 cylindres, 15 CV) s’adjuge 28 records du monde et 50 records internationaux en classe D, dont celui des 80 000 Kms à 119 277 de moyenne. La maison Yacco décide afin de tester sa nouvelle huile de type Y de faire des infidélités à la marque aux chevrons, et d’utiliser une plateforme de la petite Ford Type B 18 soit un quatre cylindres de 3,2 litres. L’auto est dûment « marchandisée » selon une belle formule de Serge Pozzoli, soit dotée d’une caisse biplace profilée, dont une toile recouvre la place du passager. César démarre la voiture à l’ovale bleu à la date du 6 mars 1933 et s’adjuge 10 records internationaux relevant de la classe C (jusqu’à 5 000 cm3). Cette tentative doit prendre fin impérativement le 14 mars car le lendemain l’équipe de Marchand reprend la piste aux commandes cette fois de La Petite Rosalie. Un châssis Citroën à quatre cylindres, d’une puissance fiscale de 8 CV qui arrête sa course le 27 juillet 1933, le bilan est de 106 records du monde, 181 records internationaux dans la classe F (moins de 1 500 cm3) dont le célèbre exploit des 300 000 Kms et 133 jours à 93 km de moyenne.

CESAR DONNE SON AVIS SUR LA TRACTION. La monoplace Rosalie VI d’une très belle prestance est établie sur une base de Citroën C6 G. Il semble que la machine soit dotée lors de son étude au sein du « Garage Moderne » d’Issy les Moulineaux d’un compresseur comme tendrait à le démontrer le bossage de capot du côté gauche. L’auto ne reste que trois jours sur le ciment Montlhéry du 7 au 9 avril 1934, mais suffisamment longtemps pour battre 7 records internationaux en classe D, enlevant au passage le titre des 24 heures à 158 km/h de moyenne à une Bentley de 3 Litres de cylindrée. La Rosalie VI chipe également quatre records dont celui des 5 000 kilomètres à une autre Citroën C6 G d’endurance, une intruse carrossée par les établissements Kelsch, qui a tenté de briser l’hégémonie du team Marchand. Le sponsor de la voiture n’est autre que le concurrent direct de Yacco, la société Spidoléine, ce qui a fortement agacé et motivé Jean Dintilhac ! Le mercredi 18 avril 1934 reste une date majeure dans l’histoire de la firme aux chevrons, lorsque André Citroën dévoile à 12h30 précise au sein du monumental magasin de la place de l’Europe la « 7 » autrement dit la fameuse Traction Avant. Trois mois plus tard (le 18 juillet 1934) César de retour sur l’autodrome de Montlhéry s’installe dans l’habitacle d’un coupé Traction Type « 7 S » démuni de ses ailes avant et arrière, une courroie ceint le capot et un numéro 7 se plaque au côté du logotype Yacco sur les flancs de carrosserie. Deux petits phares sont aménagés au bas de la calandre pour la conduite de nuit. A la fin de la ronde le 23 juillet cinq records de la classe E (de 1 500 à 2 000 cm3) à 112 km/h de moyenne sont octroyés à la firme de Javel. Convenons en compte tenu des compétences de Marchand et de ses hommes la performance s’avère relativement moyenne, mais il s’agissait surtout dans le cas présent d’attirer l’attention sur les qualités de la nouvelle Citroën sur laquelle André Citroën a tant misée. Restons un moment sur le dossier Traction, sur lequel malheureusement je n’ai pas pu questionner mon grand-père à l’époque de son vivant. Un photographie publiée en 1975 (mais souvent reprise) dans l’ouvrage de Jacques Borgé et Nicolas Viasnoff « La Traction » prise semble-t-il durant l’hiver 1933 sur le bas-côté d’une route enneigé (peut-être dans les environs du bois de Meudon) m’a toujours vivement intéressé. On y voit César Marchand debout accoudé sur la portière droite du prototype V de la prochaine Citroën. Celui-ci immatriculé 578 W1 (numéro correspondant à un véhicule en essai) est encore loin d’être stylistiquement figé. Les ailes sont enveloppantes, le pavillon plat, les optiques et la calandre proviennent à l’évidence d’une Citroën Rosalie 10 CV. Ce document prouve définitivement que les impressions de mon grand-père ont été sollicitées au moment de la mise au point de la Traction, ce qui finalement n’a rien de très étonnant vu l’implication de César en tant que pilote-metteur au point dans la maison Citroën, et les bon rapports conservés avec André Lefebvre du temps de l’aventure Voisin. Mais César Marchand n’en a pas encore fini avec la révolutionnaire traction avant.

LA FIN D’UNE AVENTURE. C’est le 15 mars 1936 à midi qu’une Citroën Traction Type 11 Légère baptisée Rosalie IX quitte l’antre mécanique de la rue Jules Jévelot. Cette fois plus question d’autodrome mais d’un périple de 100 000 Kms sur les routes de France, a raison de 1 500 km par jour et bien sur sous le contrôle strict d’un commissaire de l’ACF. La mission est accomplie avant la fin du moi de mai 1936. César reprend la piste de Montlhéry en 1937 afin de s’installer au poste de pilotage de la « Spéciale Yacco » dotée d’une caisse biplace, mais dont la principale particularité est d’être animée d’un quatre cylindres en ligne diesel à injection directe d’origine Citroën de 1 767 cm3 donnant 40 ch. L’auto établie 16 records du monde pour véhicule diesel, en bats trois records internationaux et en établie deux autres. Comme nous l’avons vu César commet durant cette période quelques infidélités à la marque aux chevrons, c’est le cas avec le dossier Delphine, soit une Peugeot 301. Dans un premier temps (du 2 juillet au 11 septembre 1935) le roadster parcoure 100 000 Kms sur route ouverte, soit 1 400 Kms quotidiennement, avant de prendre la direction de l’anneau de Montlhéry où la machine débarrassée de ses ailes, de son pare-brise et des ses roue de secours empoche 9 records internationaux en classe F. La famille Peugeot maintient sa confiance aux hommes du « Garage Moderne » puisque l’opération d’endurance des 100 000 Kms sur route est reconduite en 1936, mais cette fois avec une conduite intérieure 402, prénommée Delphine II. La Matford Alsace V8-66 baptisée « Claire » est confiée en 1937 à une équipe de charme entièrement féminine (voir Automobilia n° 69) Charlotte m’a souvent évoquée une entente difficile avec une des participantes la bouillante Mlle Hellé Nice ancienne danseuse du Lido dont l’ego surdimensionné s’accordait mal avec le pragmatisme du « pistard » d’Issy les Moulineaux. Mais on doit à la vérité de dire que Charlotte éprouvait de toute façon envers cette opération un agacement prononcé, un sentiment que je rapproche maintenant de la jalousie ! Il n’en demeure pas moins que ce programme Matford Yacco clôture la longue saga des machines de piste préparées par César Marchand. A la déclaration de guerre notre homme est de nouveau mobilisé mais son rôle de conseiller au sein de la maison Yacco lui permet d’obtenir une affectation spéciale au sein de cette entreprise. Il se sépare peu après du « Garage Moderne » afin de s’installer dans une confortable maison dans l’Eure entre les Andelys et Vernon. Mon grand père pense alors sérieusement à son avenir, conscient que le temps des records médiatisés appartient désormais à une autre époque. Gabriel Voisin peaufine en solitaire ses idées futuristes et iconoclastes dans sa retraite de Saône et Loire, l’enthousiaste André Citroën n’est plus, sa société est désormais gérée de la plus stricte des manières. En 1946 César décide de fonder une société afin d’exploiter un brevet de son invention concernant l’optimisation du graissage des hauts de cylindres dans les moteurs industriels à huile lourde comme on disait alors. Le dispositif (puis plus tard l’entreprise) au nom évocateur de « Difuzuil » a été expérimenté avec succès pendant la guerre sur des mécaniques de véhicules industriels fonctionnant au gazogène. Les ateliers de l’entreprise « Difuzuil » installés à Gennevilliers et à Asnières perdureront jusque dans les années quatre vingt, reconvertis dans la fabrication de faisceaux électriques pour automobiles et véhicules utilitaires. Le 11 janvier 1966 la neige est tombée en abondance sur la région parisienne, et bloque la sortie du garage de la vaste propriété que César à récemment acquit à Andrésy au abord de la Seine. Désirant utiliser sa toute nouvelle Ford Cortina MK I GT il est obliger de déblayer énergiquement la neige à la pelle afin d’accéder à la rue. Cet effort lui est fatal il s’écroule brusquement terrassé par une crise cardiaque, il avait 69 ans.

LEGENDES DES DOCUMENTS ; 1- César Marchand en tenu de travail à l’époque des records Voisin. Certes les moteurs sans-soupapes des machines de la marque ont la réputation de dévoreur d’huile mais on voit aussi qu’ils en projettent en abondance au sein de l’inconfortable et surchauffé cockpit de l’auto. Cette combinaison a été réalisée par son épouse Charlotte en partant d’un simple drap blanc, selon cette dernière César ne portait rien sous ce vêtement afin du lutter contre la chaleur insoutenable. On note les espadrilles souples lassées sur la cheville.

2- La période 1925-1926 situe les Voisin de records à quatre cylindres Type 18 CV. Ce magnifique document montre l’ambiance d’un ravitaillement et d’un changement de pilote, en l’occurrence César marchand s’apprête à laisser sa place à André Lefevre qui participe à l’épreuve non seulement en tant qu’ingénieur mais aussi en tant que pilote. A l’extrême droite en manteau de cuir on découvre la belle silhouette de Gabriel Voisin.

3- Une équipe de talent photographié sur le circuit de Montlhéry. A gauche André Morel (1884-1961) détenteur de plus de 80 victoires, célèbre pilote Amilcar est au moment de ce cliché un membre éminent de l’équipe des pilotes Voisin. André Lefevre (1894-1963) au milieu futur chef du projet Citroën Traction Avant pour lequel Gabriel Voisin conserve toute sa vie durant de magnifiques rapports, en le considérant comme un fils. César à droite la casquette aidant parait-être une sorte de Jean Gabin des pistes !

4- César Marchand calé dans le cockpit de la Voisin à six cylindres (octobre 1926) s’apprête à des essais sur l’anneau de Montlhéry, Gabriel Voisin à droite semble lui donner quelques dernières indications. La mécanique issue d’une version optimisée de la Voisin 24 CV de tourisme, est un 6 cylindres en ligne de 4,8 litres de cylindrée, système Knight sans soupapes à deux fourreaux. L’auto est démunie de freins avant et habillée d’une caisse superbement profilée en aluminium. Le célèbre logo Voisin ailé est visible au dessus de l’entrée d’air du radiateur.

5- Le prestige des records aidant le contact avec une distinguée clientèle, Gabriel n’hésite pas a confier à César le rôle de « commercial » de luxe en lui laissant la jouissance de quelques produits maison. On voit ici notre « pistard » au côte d’un somptueux coach Voisin Type Dyane équipé d’un non moins majestueux 12 cylindres sans soupapes de 4,8 litres de cylindrée immatriculée en mars 1930.

6- Au moment ou le dessinateur-caricaturiste Henstra réalise ce portrait de César Marchand soit en 1931 date de la fin de l’aventure Voisin et le début du programme Rosalie I notre célèbre tourneur sur ciment possède déjà 49 records du monde d’endurance toute catégories sur les 56 existants.

7- Voila à quoi ressemble la Voisin 8 cylindres une fois passé au dessus de l’anneau de vitesse et avoir effectuée un chute de près de 10 mètres ce terrible 25 juillet 1928. On comprend mieux en contemplant cette triste épave que notre recordman ait été un peu refroidi dans ses ardeurs de pilote.

8- Septembre 1929 Marchand s’extrait difficilement de la Voisin 12 Cylindres de 12 litres de cylindrée afin que André Morel, Serge de Kiriloff ou Le Roy de Présalé le remplace aux commandes. Pendant ce temps les mécaniciens procèdent à un changement de pneumatiques et à un ravitaillement en carburant. Selon Gabriel Voisin durant les 34 600 km parcourus la machine n’a été vidangée que deux fois en huile (Yacco bien sur !) et n’a consommée que 26 litres d’essence benzole aux 100 km.

9- Voici l’équipe au grand complet posant pour l’histoire devant l’antre du sorcier, soit le Garage Moderne de la rue Jules Gévelot à Issy les Moulineaux. Si l’endroit reste modeste nombre de glorieuses machines de records ont passé ces portes. A gauche tenant le chien la pimpante Charlotte Marchand, à ses côtés en casquette claire le maître des lieux. On remarque à droite et à gauche de l’entrée les panonceaux Mathis.

10- Ce beau document d’ambiance montre la Rosalie II de 1932 subissant des opérations mécanique d’importance puisque l’on découvre à droite que la culasse à 6 cylindres a été déposée. La machine intègre dans sa queue profilée un coffre afin d’emporter les pièces de rechange autorisées. André Citroën offre une prime de 1 million de francs à qui dépasserai les 134 966 km de la C6 G avant le 1er octobre 1932, aucun constructeur ne releva le défi.

11- Nous sommes le 28 avril 1932 à l’arrivée de la Rosalie II, André Citroën en chapeau melon au côté de César Marchand casquette vissée sur la tête font face au photographes, derrière en combinaison blanche le frère de César, Lucien Marchand. La Citroën est finalement stoppé dans son élan par un pignon de distribution, une pièce n’étant pas à bord de l’auto.

12- César observe d’un air franchement amusé André Citroën aux commandes de la célèbre Petite Rosalie à Monthléry peu après ses exploits en juillet 1933. Selon les souvenirs de Charlotte Marchand le patron de Javel n’aimais pas conduire et cela sautait aux yeux ! Pour parcourir 300 000 kilomètres la Petite Rosalie emporte dans son vaste coffre arrière des pièces de rechange dont la valeur s’élève à 2 248,50 F de l’époque.

13- La Rosalie VI de 1934 ici photographiée au sein du Garage Moderne, est une vraie monoplace, et possède une des plus belle ligne de toute la famille des Citroën de records, elle intègre de plus une calandre de série munie des fameux chevrons. Le bossage à gauche du capot trahi la présence d’un turbo-compresseur. Du 19 avril au 2 mai 1934 Marchand infatigable prépare et pilote pour le compte d’Austin une monoplace établie sur un châssis du modèle six cylindres « Twenty Whitehall » baptisée « Daisy » Résultat 31 records en classe C sont désormais la propriété de la marque britannique.

14- Ce bon de livraison daté du 27 juillet 1933 à l’entête de la Société Anonyme André Citroën imprimé spécialement en l’honneur de César Marchand, précise que l’on doit remettre gratuitement à ce dernier une berline neuve 15 AL de couleur noire. Saluons le beau geste du patron, néanmoins la phrase manuscrite rajoutée par le même André Citroën et signée de sa main : « en échange de sa voiture » parait par contre un peu mesquine de la part de l’industriel de Javel !

15- Le mercredi 4 octobre 1933 à partir de 12h30 la société Yacco organise un déjeuner à l’Hôtel George V pour fêter la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur du détenteur du record des records du monde automobile. Jean Dintilhac entame son discours, à l’extrême droite César se prépare aux honneurs, André Citroën écoute attentivement, Charlotte Marchand intimidée contemple son assiette, et Gabriel Voisin semble relire le prochain discours.

16- La Croix de Chevalier est agrafée sur la poitrine du « pistard » de Montlhéry c’est le moment touchant de l’accolade avec le commanditaire André Citroën. L’entente entre les deux hommes a toujours été bonne, bien que les fréquentes visites de l’industriel sur l’anneau de Montlhéry à partir de Rosalie II, agace Marchand tant Citroën semblait complètement ignorer les dures réalités de ce type d’épreuve.

17- La Rosalie VIII des tentatives du mois de juillet 1935 n’est autre que la Rosalie VI démunie de son turbo-compresseur, on voit d’ailleurs que le bossage de carrosserie destiné à ce dernier à disparu, remplacé par le logotype jaune et vert de Yacco. La voiture adopte un phare central et des ailes avant ce qui tend à démontrer que Marchand n’hésite pas à se rendre d’Issy-les-Moulineaux à Montlhéry par la route.

18- César tout sourire à gauche au côté de Jean Dintilhac le patron des huiles Yacco et de la Peugeot 301 baptisée Delphine I. Celle-ci équippée d’ailes d’un pare-brise et de roues de secours affiche 100 000 km sur les routes de France, avant d’affronter avec une carrosserie allégée l’autodrome de Monthléry. C’est la seule Peugeot avec la berline 402 Delphine II de 1936 préparé par le propriétaire du Garage Moderne.

19- Etrangement malgré son glorieux passé « Rosalie » je n’ai jamais connu mon grand père au volant d’une Citroën. Il affectionnait par contre particulièrement les produits de la Ford Motor Company, le souvenir de la Matford « Claire » peut-être ? Il a possédé plusieurs Vedette de la génération dos ronds 1950 jusqu’à la période Chambord puis dans les années soixante deux exemplaires de Cortina issues de la filiale anglaise. De gauche à droite autour de cette Chambord noire dont le nettoyage des flancs blancs à la brosse me donnaient beaucoup de mal, ma mère, César, votre serviteur et Charlotte.

20 - Vers la fin de sa vie César amateur de bonne cuisine consacrait beaucoup de temps et d’efforts devant ses fourneaux et à entretenir les matières premières nécessaires, soit son jardin potager. J’ai le souvenir de l’avoir beaucoup observé dans cette attitude paisible, qui aurait pu imaginer que cette silhouette débonnaire détenait en 1937 85 % des records du monde automobile.

 

 
 
 

  
 
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